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Enseigner aux internes en clinique : la passion récente d’une ophtalmologue

7 février 2019

Le Dr Laurence Collot, ophtalmologue, exerçant depuis plus de vingt ans au centre médico-chirurgical de Chaumont le Bois (établissement Elsan), fait partie des spécialistes qui se sont tout de suite engagés dans la formation des internes en clinique privée, une possibilité qui n’existe que depuis quelques années.

JIM.fr : Comment en êtes-vous arrivée à accueillir et former des internes en ophtalmologie dans la clinique où vous exercez ?

Dr Laurence Collot : Depuis 2011, selon la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), les internes de spécialité sont autorisés à faire des stages en clinique privée. Au début, cette possibilité est restée très marginale du fait de résistances diverses : les praticiens du privé n’étaient pas très demandeurs et certains hospitaliers assez réticents, d’une part parce qu’ils craignaient probablement une formation de moindre qualité et, d’autre part, car ils avaient besoin de ces jeunes médecins dans leurs services.

Dès que j’ai été au courant de cette nouvelle possibilité, j’ai d’emblée été très intéressée par la perspective de pouvoir former des médecins à l’ophtalmologie dans mon cabinet et j’en ai fait part au chef du service d’ophtalmologie du CHU de Reims, le Pr Carl Arndt. Et quelques années plus tard, cette possibilité est devenue une réalité. Le Pr Arndt a en effet été un des premiers ophtalmologues hospitaliers à se lancer dans cette aventure.

C’est que la situation avait beaucoup changé. En ophtalmologie, nous avons en effet été confrontés à une augmentation considérable de la demande de soins et le nombre d’internes a parallèlement fortement augmenté dans cette discipline. Le CHU, à court de postes, avait donc besoin d’autres structures pouvant assurer la formation des jeunes médecins. Je me suis alors portée volontaire pour assumer cette nouvelle tâche et, depuis 2 ans, c’est le 4e interne qui fait un stage à mes côtés.

 

JIM.fr : Quelles sont les autorisations nécessaires pour que ces jeunes médecins puissent se former en clinique privée ?

Dr Laurence Collot : L’accueil de ces internes en clinique privée nécessite un agrément délivré par l’agence régionale de santé (ARS) après avis d’une commission présidée par le doyen de la faculté de médecine. C’est également l’ARS qui rémunère tout ou partie du salaire de l’interne en fonction de différents cas de figure et qui « ouvre » ou non le poste tous les 6 mois.

Enfin, il faut ensuite une convention annuelle avec le CHU, comportant notamment les signatures du directeur général du CHU, du directeur de l’unité de formation et de recherche de l’interne et, bien sûr, celle du responsable de la clinique concernée et/ou du maître de stage. Les internes peuvent ainsi être affectés par l’ARS en libéral, à condition d’avoir pratiqué leur spécialité depuis au moins un an. Ils sont également tous couverts par une responsabilité civile professionnelle, généralement offerte par les assurances.

JIM.fr : En pratique, que font ces internes ?

Dr Laurence Collot : Avec les nouveaux appareils (lampes à fente numérique, espions, etc.), il est maintenant assez facile de suivre et de contrôler leur travail et on peut leur déléguer beaucoup de tâches sous réserve que le cabinet soit suffisamment équipé en matériel : réfraction, examen oculomoteur, examen à la lampe à fente, fond d’oeil ; réalisation d’examens complémentaires comme OCT, spéculaire, biométrie, topographie ; réalisation de laser Yag, Argon, SLT, etc. Néanmoins, ils ne consultent jamais seuls.

En revanche, ce qui est à déplorer c’est que, étant rattachés à mon cabinet et non pas à la clinique, ils n’ont pas légalement le droit de réaliser des actes chirurgicaux. Pour ma part, il m’apparaît indispensable que les pouvoirs publics réfléchissent à cette situation, préjudiciable à une bonne formation, notamment dans le cadre d’une spécialité chirurgicale. Un rattachement à la clinique est possible dans la réglementation actuelle, mais il est alors plus difficile d’obtenir des agréments ou des ouvertures de postes car la clinique est perçue comme concurrente des hôpitaux publics.

 

JIM.fr. : Est-ce que former les internes vous a apporté des bénéfices ?

Dr Laurence Collot : Certes il s’agit d’un investissement personnel un peu lourd, mais je trouve que c’est une expérience extrêmement positive pour ma propre pratique. C’est très stimulant d’enseigner, et il faut souligner que les internes nous apportent aussi des informations nouvelles sur notre spécialité, notamment quand ils sont en fin de cursus. D’une façon plus globale, l’arrivée de ces internes donne aussi un « coup de jeune » au cabinet.

 

JIM.fr. : Quel est l’intérêt pour les internes d’ophtalmologie de faire un stage dans un cabinet privé ?

Dr Laurence Collot : De leur côté, s’ils voient moins de pathologies très pointues, les internes ont l’avantage d’avoir des rapports moins hiérarchisés et d’être en permanence entourés par les membres de l’équipe

 

©JIM.fr – Lundi 28 janvier 2019