Questions fréquentes sur le contrat d’exercice libéral

Maître Anne-Sophie Moulin, avocate au barreau de Paris répond aux questions les plus fréquentes que vous vous posez à propos d’un contrat d’exercice libéral entre un professionnel de santé et un établissement médical.

Y a-t-il des éléments obligatoires à insérer dans le contrat entre la clinique et le praticien ?

Avant toute chose, il est bon de rappeler que :

L’article L.4113-9 du code de la santé publique rend obligatoire la signature d’un contrat écrit entre les praticiens et les établissements de soins où ils exercent et la communication à l’ordre de ces contrats.

L’article 83 du code de déontologie médicale, d’autre part, prévoit l’obligation d’un écrit qui « définit les obligations respectives des parties et doit préciser les moyens permettant aux médecins de respecter les dispositions du présent code ».

D’une manière générale, on distingue dans un contrat trois grands types de clauses :

  • Les clauses liées à la déontologie médicale.
  • Les clauses ayant trait aux obligations imposées aux établissements en vertu de dispositions réglementaires.
  • Les clauses relevant de la liberté contractuelle.

Les clauses liées à la déontologie

L’exercice de la médecine étant réglementé par le code de déontologie, un certain nombre de clauses essentielles doit figurer au contrat.

Il appartient d’ailleurs au Conseil de l’Ordre d’en vérifier la conformité avec les prescriptions du code de déontologie.

Ces clauses ont trait :

  • à l’indépendance professionnelle,
  • à la liberté de prescription,
  • à la responsabilité,
  • au libre choix du patient,
  • à la rémunération sous forme d’honoraires,
  • à la permanence des soins,
  • au secret professionnel.

Les clauses liées aux contraintes d’ordre réglementaire ou conventionnel de l’établissement

Les textes réglementaires de plus en plus nombreux confirment la tendance au renforcement sécuritaire en matière d’activité médicale et hospitalière.

Le sort des établissements privés se trouve désormais étroitement associé à celui des médecins libéraux exerçant en leur sein.

Le lien entre les obligations réglementaires de l’un et de l’autre des partenaires doit donc être établi dans le contrat en ce qui concerne :

Les dossiers médicaux

Nous rappelons très succinctement que les conditions d’information du patient, de tenue des dossiers médicaux, et d’archivage sont définies dans un décret du 30 mars 1992.

Alors que la tenue et la communication du dossier médical relève de la compétence exclusive du praticien responsable du patient ou à défaut, d’un praticien désigné par la conférence médicale, la conservation et l’archivage incombent à l’établissement.

Les honoraires

Les praticiens exerçant en établissements privés ont l’obligation de passer par un bordereau de facturation groupée, dit bordereau S34O4, pour obtenir le règlement des actes qu’ils ont effectués sur les patients hospitalisés. La facturation incombant à la clinique, le contrat doit donc définir avec précision les conditions dans lesquelles cette prestation sera effectuée pour le compte des praticiens.

La certification et évaluation de l’activité médicale

Le nouvel article L.6113-3 du code de la santé publique prévoit que tous les établissements de santé devront faire l’objet d’une procédure externe d’évaluation dénommée certification et ce, en vue d’assurer l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. Dans le prolongement des objectifs de qualité de l’organisation et du fonctionnement définis par la Haute Autorité de Santé, chargée de la supervision de ces démarches de certification, c’est un véritable contrôle de qualité médicale que l’établissement est désormais tenu de mettre en œuvre. Les contrats doivent donc définir avec précision les conditions dans lesquelles le praticien participe à l’évaluation et, les sanctions encourues en cas de résultat non satisfaisant du fait des pratiques du médecin cocontractant.

Les obligations liées à la mise en œuvre de l’ensemble des vigilances (matériovigilance, hémoviligance, sécurité anesthésique…).

Les obligations en matière de lutte contre les infections nosocomiales, etc

Le contrat ne pouvant être exhaustif en la matière, il est souvent prévu que l’ensemble des obligations issues de textes réglementaires constitueront des impératifs extérieurs à la volonté des parties, dont le respect constitue une condition substantielle du contrat.

Les clauses relevant de la liberté contractuelle

Les conditions d’exercice du praticien

Le praticien bénéficie-t-il d’un droit d’exercice privilégié ? Quels sont les moyens mis à sa disposition en termes de locaux, de personnel, d’équipement ?

La durée du contrat

Va-t-on signer un contrat à durée déterminée ou indéterminée ? Quelles seront les conséquences de la résiliation ? Quelle sera la durée du préavis ? Y aura-t-il une période d’essai ?

La faculté de présentation d’un successeur

Les clauses financières

Le contrat est-il subordonné à un apport quelconque ?

Quelles sont les modalités de remboursement des prestations particulières fournies au médecin ?

La conciliation

La non concurrence

Ces éléments relevant de la négociation sont analysés dans les questions suivantes.

Il est également à noter qu’une clause d’exclusivité peut être introduite dans le contrat, il convient d’en discuter avec le directeur de l’établissement. En outre, toute installation d’un praticien devra être validée par l’équipe de médecins de la spécialité concernée.

Faut-il préférer l’exercice individuel ou l’exercice en groupe ?

Dès lors que plusieurs praticiens exercent au sein d’un établissement la même spécialité, il apparaît souhaitable d’uniformiser les conditions d’exercice et de traitement de chaque membre, ce qui permettra d’harmoniser les conditions d’intervention au sein de l’établissement, de créer une situation de rapports égaux entre les médecins et l’entreprise et probablement de minorer les risques de conflits des praticiens entre eux.

Si les arguments en faveur de l’exercice en groupe sont nombreux, les déboires liés à l’association peuvent s’expliquer de différentes manières : décalage d’activité, détournement de clientèle, non-respect des règles d’organisation…

La volonté de travailler ensemble ne s’improvise pas et doit être le plus clairement possible établie dans un document déclinant les règles du jeu.

La première démarche : la convention d’exercice en commun

Les praticiens doivent dans un premier temps préciser leurs motivations :

Certains cherchent dans le cabinet de groupe une collaboration dans le travail par l’organisation des gardes, une entente pour les vacances etc…

D’autres veulent aller plus loin : améliorer les moyens d’exercice de leur profession par un personnel commun, un matériel plus important.

D’autres enfin désirent totalement égaliser leurs conditions d’exercice en partageant toutes les contraintes d’organisation mais aussi les honoraires.

Des raisons réelles qui ont motivé le choix de l’exercice en groupe doit découler l’option concernant le choix de la structure juridique (SCP, SEL, SCM, association etc…) et l’élaboration des règles concernant l’exercice en commun de la profession.

Le choix concernant la structure juridique devra être arrêté avec l’aide d’un conseil de préférence qui exposera les avantages et inconvénients de chaque option.

Concernant la charte d’exercice en commun, les points suivants ne devront pas être négligés :

Il est impératif de prévoir une période d’essai qui s’applique au démarrage de l’association, mais aussi à chaque nouvel entrant pendant la durée de l’exercice en commun.

La répartition de frais communs au sein d’une association doit être précisément définie. Il est d’abord souhaitable de dresser la liste exhaustive de ces frais, de définir la clé de répartition (à égalité, au prorata de l’activité…).

En cas de partage d’honoraires, les paramètres de répartition des honoraires ou la détermination des plages d’activité doivent être prévues. La révision de ces clés doit être précisée en cas de décalage important d’activité entre les associés. Les conditions du remplacement et leur prise en charge financière seront également à déterminer dans le « pacte ».

Les conditions de rupture et de départ doivent encore être minutieusement organisées. En principe, le médecin partant peut présenter un successeur et en cas de refus d’agrément du médecin restant, ce dernier s’engage à l’indemniser. L’assiette de l’indemnisation doit être claire.

En principe, cette indemnisation emporte, en contrepartie, l’interdiction de se réinstaller dans un certain rayon pendant une durée déterminée. Il faut donc prévoir la possibilité de quitter l’association sans présenter de successeur ou sans percevoir d’indemnité en contrepartie de quoi, le partant doit pouvoir conserver son activité in situ.

Tous les temps forts de la vie en commun doivent donc être réfléchis en profondeur et faire l’objet d’une rédaction conforme à la décision finale des parties.

La forme juridique pour organiser cet exercice en commun devra être adaptée aux objectifs poursuivis. Une fois ce travail effectué, reste à conclure le contrat avec l’établissement.

La deuxième démarche : le contrat avec l’établissement

Qu’il soit signé avec un médecin individuel, avec une société de médecins ou une association de fait de médecins, le contrat négocié avec la clinique ne présente pas de particularités sous réserve des points suivants :

Le contrat peut être signé avec un SCP, SEL, association de médecins mais pas avec une SCM. En effet, la SCM a pour objet la mise en commun de moyens mais elle ne se substitue pas à ses membres pour l’exercice de la médecine contrairement à la SCP ou à la SEL.

Le contrat d’exercice en commun liant les médecins entre eux doit être parfaitement cohérent avec les dispositions du contrat d’exercice les liant avec la clinique (concernant les conditions de la rupture, le droit de présenter son successeur, la période d’essai, le délai de préavis…).

Le contrat conclu entre une clinique et une SCP ou une SEL doit être cohérent avec les contrats consentis à d’autres médecins de même spécialité en cas d’exclusivité accordée : la société de médecins peut-elle croître au mépris des autres praticiens titulaires d’exclusivité dans la même spécialité ? En principe la réponse sera négative, il conviendra alors de prévoir l’obligation, pour la société, d’obtenir l’accord des médecins individuels bénéficiaires de l’exclusivité en cas de projet d’intégration d’un nouveau membre dans la société en plus de l’agrément de la clinique.

Le contrat représente un instrument de preuve privilégié en cas de litige. La rédaction d’un document clair et précis permettra de traiter les conséquences d’un conflit par application des principes qui auront ainsi été pré définis.

Une clinique est-elle tenue d’assurer à un médecin un minimum de clientèle et peut-elle lui imposer des obligations de productivité ?

L’indépendance du médecin et le libre choix du patient sont des principes essentiels de la médecine libérale qui expliquent qu’une clinique ne soit pas tenue d’assurer à un praticien un minimum de patients.

Cependant les clauses d’exercice privilégié, lorsqu’elles sont introduites dans les contrats, définissent un périmètre de protection au profit d’un praticien ou d’une équipe au terme de laquelle ces praticiens ont la garantie de pouvoir prendre en charge les patients qui se seraient adressés directement à la clinique pour un acte relevant de leur spécialité.

En principe en dehors de l’exercice privilégié, le praticien ne peut revendiquer un quelconque monopole ou un quelconque droit sur la clientèle de la clinique.

La cour de cassation a cependant jugé que même en l’absence d’exercice privilégié contractuellement prévue, une réduction importante de l’activité d’un praticien due au recrutement d’autres praticiens de même spécialité, et donc imputable à la clinique, équivaut de la part de celle-ci à une rupture de la convention verbale du praticien concerné, rupture pour laquelle la clinique est tenue de respecter un délai de préavis dont la durée est fixée par les usages.

Dans l’espèce, il s’agissait d’un anesthésiste dont l’activité avait chuté de 80% suite à l’arrivée d’une nouvelle équipe.

La cour d’appel a estimé, qu’en appelant en son sein un nouveau groupe d’anesthésistes, la clinique a brusquement modifié les conditions dans lesquelles la convention verbale la liant au praticien s’exerçait depuis de nombreuses années. La clinique ne prouvait pas, au demeurant, qu’elle avait agi pour se conformer à des dispositions réglementaires, ou pour pallier une mauvaise organisation du service, ou à la demande des chirurgiens.

Elle a donc assimilé la réduction brutale de l’activité du praticien à une rupture de son contrat de fait.

La gestion et la rentabilité de la clinique sont de plus en plus source de contentieux. Or, il est de principe que l’insuffisance d’occupation des lits ou de l’activité ne constitue pas une cause légitime de résiliation.

L’article 92 du nouveau code de déontologie dispose qu’un médecin ne peut accepter que dans le contrat le liant à un établissement de santé figure une clause faisant dépendre la durée de son engagement à des critères liés à la rentabilité de l’établissement ou à l’importance de son activité.

Une telle clause, en effet, aurait pour conséquence de porter atteinte à l’indépendance de ses décisions, ou à la qualité des soins.

Cependant une clinique demeure une entité économique avec ses exigences. L’équilibre de ses charges passe par une production d’activité adaptée.

Sans pouvoir exiger des praticiens un niveau de productivité, la clinique doit pouvoir constituer des équipes et recruter un nombre suffisant de praticiens.

Ces équipes permettront d’atteindre les objectifs d’activité dans le respect essentiel de la qualité des soins, de la sécurité des patients et de l’indépendance professionnelle de chaque praticien individuellement.

Quelle doit être la durée d’un contrat d’exercice ? Faut-il préférer les contrats à durée indéterminée aux contrats à durée déterminée ?

Le Contrat à Durée Déterminée

Avantages

Il garantit une totale stabilité des relations pendant la période définie. En effet, un CDD n’est en principe pas résiliable avant son terme (sauf accord contractuel différent) et la partie qui prendrait l’initiative d’une rupture anticipée encourt le risque d’avoir à réparer le préjudice subi par son cocontractant. (En théorie manque à gagner jusqu’au terme du contrat !).

Inconvénients

En principe à l’arrivée du terme, rien ne rend automatique le renouvellement du contrat (sauf accord contraire). La situation du praticien se trouve, à cet égard, fortement fragilisée alors qu’il aura peut-être investi la région sur le plan personnel. Par ailleurs, aucune indemnité n’est due à l’échéance.

Certains établissements ont tendance aujourd’hui à proposer des CDD, dans la mesure où ils souhaitent que la durée du contrat d’exercice soit identique à celle des autorisations ou de leur contrat d’objectif et de moyens conclu avec l’agence régionale d’hospitalisation.

Cependant la clinique ne sera pas protégée par des contrats à durée déterminée avec ses praticiens, dans la mesure où il n’y aura quasiment jamais d’adéquation entre les durées que l’on souhaite faire coïncider (contrat d’objectifs et de moyens et autorisations).

Le Contrat à Durée Indéterminée

Avantages

Il offre la garantie d’une pérennité des relations tant quelles demeurent satisfaisantes. Il offre des garanties de souplesse dans la mesure où ce type de contrat est toujours résiliable à tout moment moyennant le respect d’un préavis défini contractuellement.

Inconvénients

La souplesse offerte par le CDI est à double tranchant dans la mesure où elle s’applique aussi à la clinique qui pourra à tout moment rompre le contrat moyennant le respect du préavis.

Cette solution offrira une stabilité au praticien sur le long terme tout en l’autorisant à interrompre ses relations à tout moment en cas d’événements imprévisibles au moment de la signature du contrat.

Comment le praticien va t-il facturer et recouvrer ses honoraires à l’occasion de son activité au sein d’une clinique privée ?

L’exercice en clinique ne remet pas en cause un des principes essentiels de la médecine libérale qui suppose que le praticien perçoit directement ses honoraires.

Néanmoins et pour des questions de simplification de la gestion administrative des choses, la facturation de l’ensemble des prestations médicales dispensées à un patient durant son séjour en clinique, se fait sur un bordereau de facturation groupée, appelé bordereau S3404, qui récapitule l’ensemble des prestations tarifaires de la clinique en partie haute et celles des médecins en partie basse.

Ce document récapitulatif des prestations de soins fournies, de leur auteur et de leurs coûts, est adressé à la caisse du patient dès sa sortie pour obtenir le paiement des actes.

La facturation est déterminée par le codage de l’acte effectué par le médecin responsable de l’intervention et contrôlé par le médecin DIM. Pour un traitement rapide de la facturation et du recouvrement des honoraires, il est impératif que les médecins accomplissent le codage au moment de la réalisation de l’acte.

Le Praticien a l’obligation de passer par le bordereau S3404 pour facturer ses honoraires. Ce bordereau est tenu, rempli et envoyé aux organismes sociaux par la clinique.

Concernant le recouvrement de ses honoraires le médecin peut exercer l’option suivante :

  • Soit il décide de recouvrer directement ses honoraires sur un compte qui lui est personnel. Le praticien doit alors procéder à la vérification de l’adéquation entre les actes facturés et les bordereaux de virement.
    – Cette tâche est particulièrement lourde et complexe car il s’agit de caisses distinctes, de périodes de facturations également différentes.
    РCes op̩rations demandent du temps, des moyens en personnel et en mat̩riel.
  • Soit les praticiens optent de passer par un « compte mandataire ». Dans ce cas, l’ensemble ou la majorité des praticiens de l’établissement se regroupent pour ouvrir un compte mandataire. La clinique intervient alors pour leur compte dans la ventilation des sommes dues à chacun d’eux et pour assurer le suivi du recouvrement et des relances.
    – Les praticiens en contrepartie du service rendu par la clinique, ont l’obligation de lui verser une redevance qui pour ce seul service varie de 3 à 5% de la valeur des actes encaissés. Les praticiens sont donc en droit d’exiger un certain niveau de qualité dans l’accomplissement de cette prestation.

La clinique peut-elle interdire à un praticien de pratiquer des dépassements d’honoraires ?

Les conditions d’application du droit au dépassement d’honoraires résultent d’une disposition de la convention médicale (non abrogée à ce jour) qui prévoit les principes suivants :

Les médecins conventionnés en secteur 1 doivent appliquer les tarifs fixés par la convention et ne peuvent demander un dépassement que pour circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du malade (DE).

La moyenne nationale montre que moins de 10% des actes font l’objet d’un DE. Le motif du dépassement doit systématiquement être porté à la connaissance du patient.

Seuls les médecins remplissant certaines conditions sont autorisés à opter pour le conventionnement à honoraires libres :

Le praticien doit s’être installé pour la première fois en exercice libéral soit après le 12 juillet 1998, soit entre le 7 juin 1980 et le 1er décembre 1989.

Le praticien doit être titulaire des titres suivants, acquis dans un établissement public, dans un établissement privé participant au service public hospitalier, ou au sein de la communauté européenne :

o    Ancien chef de clinique des universités,

o    Assistant des hôpitaux,

o    Ancien assistant des hôpitaux généraux ou régionaux n’appartenant pas à un CHU,

o    Ancien assistant des hôpitaux spécialisés,

o    Praticien chef de clinique ou assistant des hôpitaux militaires,

o    Praticien temps plein hospitalier.

Le praticien habilité à opter pour le secteur à honoraires libres doit formuler son option lors de l’adhésion à la convention, par lettre recommandée avec AR adressée à la caisse primaire du ressort de son domicile professionnel.

Les dépassements d’honoraires doivent être appliqués avec tact et mesure.

A cet égard, il a été statué de la manière suivante dans un arrêt rendu par la Cour de Cassation.

Suite à plusieurs plaintes de patients, une clinique reproche par écrit à un praticien anesthésiste d’appliquer des dépassements d’honoraires excessifs, ainsi que la pratique indélicate consistant à réclamer ces dépassements au chevet du malade, après la réalisation de l’intervention.

La clinique met en demeure le praticien d’informer le patient préalablement à l’application du dépassement et de passer par le bureau de facturation de la clinique pour procéder à leur encaissement.

Le praticien s’engage par écrit à passer par le secrétariat de la clinique et à appliquer des dépassements au plus égaux à 10% du tarif conventionnel.

Suite à une nouvelle plainte du patient montrant que le praticien n’a pas tenu ses engagements, la clinique rompt le contrat sans préavis ni indemnité.

La Cour d’Appel, saisie du litige pour rupture abusive considère qu’en persistant à réclamer directement le dépassement de l’honoraire conventionnel au malade dans sa chambre, le praticien a contrevenu à son engagement à l’égard de la clinique, portant atteinte à la réputation de cet établissement auprès de sa clientèle, caractérisant ainsi une faute grave justifiant la rupture du contrat sans préavis.

Cet arrêt sera confirmé par la Cour de Cassation (C.Cass, 1ère Civ, 2 février 1999).

Doit-on pour autant déduire de cet arrêt qu’une clinique peut interdire à un praticien habilité la pratique des dépassements d’honoraires ?

Certes non, la clinique ne détient pas ce pouvoir de manière unilatérale et tout au plus pourra-t-elle en faire un élément de la négociation contractuelle.

Si le praticien accepte que le contrat comporte cette limitation, il sera dès lors tenu de le respecter dans le cadre de son activité au sein de l’établissement cocontractant.

Dans la pratique, les établissements tout en acceptant la pratique du secteur à honoraires libres, exigent contractuellement certaines limites. Il est demandé au praticien de renoncer à l’application du secteur à honoraires libres en cas de prise en charge d’un patient en urgence ou lorsque le patient n’a pas choisi le praticien appelé à lui dispenser des soins (par exemple un radiologue qui effectue un examen prescrit par le chirurgien, un cardiologue qui effectue des examens préopératoires) ou de garantir à tout patient quels que soit ses revenus l’accessibilité aux soins.

Les praticiens doivent enfin savoir que les stipulations contractuelles réclamées par les établissements et définissant les conditions d’application des dépassements résultent aussi des exigences des organismes de tutelle : ARH, organismes d’assurance maladie…

C’est la raison pour laquelle le contrat d’exercice liant la clinique au praticien doit définir de manière précise et complète les limites de l’application du droit au dépassement d’honoraires. Il doit également rappeler l’obligation faite au praticien de porter à la connaissance du patient préalablement à l’accomplissement des soins toutes les informations sur ses dépassements d’honoraires. Il doit en outre prévoir que le praticien recueille de manière formelle l’accord écrit du patient et le transmette à la clinique.

Quelles sont les obligations légales et réglementaires en matière de facturation de la redevance ?

1er principe : Tout service au médecin justifie une redevance

Tous les avantages, services, prestations fournis par la clinique aux praticiens qu’ils soient relatifs à la consultation, à la salle d’opération, au service administratif, ou aux services divers, dès lors qu’ils ne sont pas couverts par les tarifs de responsabilité des organismes d’Assurance Maladie, doivent faire l’objet d’une identification, puis d’une facturation.

Mais le calcul de la redevance due par le médecin à la Clinique est source de nombreuses et irritantes difficultés lorsque la redevance paraît insuffisante ou excessive par rapport à la valeur des prestations servies au débiteur.

2ème principe : La redevance ne doit pas être excessive

Ce principe résulte d’une disposition d’ordre public posée à l’article l.4113-5 du Code de la Santé Publique qui interdit à un médecin de partager en vertu d’une convention ses honoraires avec un non médecin.

Il importe de comprendre que la redevance ne peut être que la contrepartie financière de services rendus à la Clinique au praticien. L’existence de l’obligation de la clinique de fournir des prestations est la cause de l’obligation du médecin de payer cette rémunération. La valeur de ces prestations est la mesure de cette rémunération.

La pratique suit deux méthodes licites de calcul : la méthode proportionnelle (une proportion forfaitaire des honoraires) et le coût réel. Il est acquis qu’une redevance peut être calculée proportionnellement aux honoraires médicaux.

L’essentiel est que le montant de la redevance n’excède pas celui des services assurés par l’établissement. S’il en est ainsi, il y a partage illicite d’honoraires entre médecin et non médecin (la clinique), ce qui est interdit par l’article L.4113-5 du Code de la Santé Publique, et le juge considère alors que la clause est nulle de nullité absolue, voire le contrat tout entier si la redevance excessive en avait constitué la cause déterminante.

3ème principe : La redevance ne doit pas être insuffisante

Selon la doctrine fiscale, une redevance insuffisante constitue pour la Clinique un acte anormal de gestion.

Il est en effet constant que l’administration fiscale considère comme un « acte anormal de gestion » ou « une libéralité faite à un tiers », non dans l’intérêt de l’établissement, le fait que les services rendus aux médecins et non couverts par le prix de journée ne fassent pas l’objet d’un reversement d’honoraires ou que celui-ci soit insuffisant. Les Cliniques sont des entreprises commerciales qui doivent faire des profits.

Certaines situations exceptionnelles pourraient justifier un remboursement inférieur au coût réel des services rendus ou une absence de redevance si cette renonciation est conforme à l’intérêt de l’exploitation, si l’établissement l’a fait dans son propre intérêt commercial et s’il est en mesure de le justifier.

Une position semblable est adoptée pour les praticiens qui peuvent s’entendre reprocher par l’administration fiscale de ne pas avoir déclaré un avantage en nature et subir, de ce fait, un redressement fiscal pour les 4 années précédentes. Dans le même temps, l’administration fiscale augmentera les recettes de la clinique d’une somme égale à celle estimée comme correspondant aux dits avantages en nature.

Sur le plan civil, les tribunaux appliquent la théorie de l’enrichissement sans cause du médecin profitant de prestations et services non rémunérés par la redevance.

Alors même que le contrat n’est pas écrit, et donc qu’aucun acte ne stipule le règlement de cette charge professionnelle du médecin, elle s’impose soit comme une obligation contractuelle implicite (art1135 du c.civ : « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais aussi à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donne à l’obligation d’après sa nature.»), soit subsidiairement au titre de l’enrichissement sans cause.

L’article L.4113-6 du Code de la Santé Publique constitue aussi le fondement de l’interdiction pour une clinique de facturer ses services rendus aux praticiens à un coût inférieur à leur coût réel.

Ce texte pose en effet « qu’est interdit le fait pour les membres de professions médicales de percevoir des avantages en nature ou en espèce, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations prises en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ».

Or les Cliniques rentrent dans le champ des entreprises visées à l’article L.4113-6 susvisé et la redevance insuffisante constitue indiscutablement un avantage en nature. Cette disposition d’ordre public frappe de nullité absolue tout accord contractuel définissant un montant de redevance inférieur à la réalité du coût de la prestation fournie.

La revalorisation des tarifs des cliniques au titre du FMCP tient compte de l’adéquation constatée entre le coût des services fournis aux praticiens et le niveau des redevances appelées en contrepartie.

L’article 2 du décret du 20 juillet 2002 stipule expressément que  L’agence régionale de l’hospitalisation attribue « les subventions du fonds après avis du comité régional des contrats d’établissements privés institué par l’article R. 162-40 du code de la sécurité sociale.(…) Le montant de la subvention allouée à l’établissement peut être réduit lorsque le montant des remboursements afférents aux services rendus aux praticiens et auxiliaires médicaux exerçant en son sein est manifestement inférieur à leur coût. ».

La faute de gestion ici sanctionnée au niveau des tarifs accordés par la Tutelle à l’établissement, constitue encore un des fondements réglementaires à l’interdiction de sous évaluer les redevances dues par les médecins.

4ème principe : A partir du moment où il existe un contrat, c’est à celui qui invoque l’inadéquation entre le montant de la prestation et le service rendu, d’apporter la preuve de l’insuffisance ou du caractère excessif de la redevance.

5ème principe : La compensation ne peut être décidée unilatéralement par la clinique

La compensation consiste à imputer une dette sur une créance due ; donc ici à déduire les sommes dues au titre de la redevance des montants dus au titre des honoraires encaissés.

La compensation n’est possible que si la loi l’a prévue ou si elle a été acceptée conventionnellement. Par conséquent, en l’absence de stipulation contractuelle expresse, les sommes dues par les praticiens ne doivent pas être prélevées par la clinique sur les honoraires. Ceux-ci doivent être reversés intégralement aux médecins qui régleront par chèque ce qu’ils doivent à la clinique. En revanche, il est toujours possible de prévoir dans le contrat d‘exercice un alinéa autorisant et définissant la procédure de compensation.

Si le principe d’une redevance paraît difficilement contestable la liste des « prestations non couvertes par le prix de journée ou les forfaits de salle d’opération » et leur mode de remboursement peuvent donner lieu à discussion.